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01 May

Mai 2016 – Les joies de vieillir

 - Catégories :  #2015-2016

Mai 29

 

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Compte rendu de la rencontre-débat du 19 mai 2016

-Intervenant : Dr Geneviève DEMOURES, psycho gériatre

-82 participants

LES JOIES DE VIEILLIR

 

En réponse au thème « joies de vieillir », un peu provocateur, le Dr Geneviève DEMOURES répond :   « Dans vieillir il y a vie, et c’est ça l’important » ; car vieillir c’est ne pas mourir.

Rien de plus naturel que vieillir, et pourtant le vieillissement est présenté comme un problème dans notre société, actuellement. « La réalité c’est que, contrairement aux préjugés courants, 47% des plus de 90 ans vont bien ».


Une société qui stigmatise la vieillesse.

Alors que toutes les sociétés protègent et valorisent les anciens, notre société actuelle accuse, rejette et déshumanise les personnes âgées. Le vieillissement est dissimulé, dénié, refoulé.

A « un vieux qui meurt, c’est une bibliothèque qui disparaît » (L. S. SENGHOR), « nos médias répondent : la vieillesse est un fardeau économique, c’est une maladie ». La vieillesse est jugée « indécente » et doit être cachée ou travestie. Devenus improductifs, les retraités ne sont plus qu’un frein à l’expansion économique dans ce système de pensée.

Le vieillissement est ainsi considéré comme une maladie ou un handicap (donc à fuir puis à soigner) et la mort comme scandaleuse. Il faut trouver des coupables à ces réalités, pourtant incontournables et éternelles. Or, le vieillissement et la mort sont des évolutions naturelles qui doivent être acceptées si on veut vivre sereinement le temps qui nous reste à vivre. La maladie et le handicap sont possibles ; mais n’est ce pas le cas au cours de tous les âges de la vie ?

La hiérarchie de valeurs essentielles (« les relations à l’autre, la confiance, les échanges… plutôt que la compétition, la recherche d’une position avantageuse à tout prix… ») transmises pendant la période d’éducation de l’enfant est, en fait, la condition essentielle du bien vieillir.

Classiquement la courbe de vie est souvent décrite comme une courbe « en cloche » avec une phase ascendante (la maturation) avec un sommet estimé pour la quarantaine et ensuite une lente descente vers la dégénérescence. G. DEMOURES préfère la représentation « d’une trajectoire comme une ascension continue, avec une flèche à l’extrémité. Une direction mystérieuse que chacun imagine selon ses convictions. Ce peut être le paradis des croyants, mais aussi le meilleur des mondes à venir, le grand soir… ». « Personne âgée heureuse ou pas, gentille ou pas…comme à tout âge »

En référence au « stade du miroir » du développement de l’enfant (stade de formation de la fonction du Je), on parle du « stade du miroir brisé » où la personne, devant la dévalorisation de son image (favorisée par la dictature du mythe de l’éternelle jeunesse), s’effondre, s’auto dévalorise. Il existe une « tyrannie du bien vieillir », culpabilisant les personnes moins performantes qu’auparavant.


Une conception humanisante du vieillissement.

« On est jeune ou vieux dans le regard de l’autre ». « Il y a des joies dans la vieillesse comme dans tous les âges. Mais il n’y a pas que des joies et des avantages…comme dans tous les âges il y a des tristesses et des désagréments ». « Chaque destin est une aventure au sein de l’humanité. On ne peut imaginer un destin isolé. Nous sommes des êtres de relation. »

 La vie d’un humain peut être décrite en trois périodes séparées par des crises existentielles. Une période d’apprentissage jusqu’à l’adolescence. Ce sont d’abord les apprentissages primaires (marcher, parler, propreté…) puis la socialisation et la culture. Cette période se conclut par l’adolescence (de 12 à 28 ans) avec ses crises et ses conflits. Ces oppositions, contestations… sont en fait un signe de souffrance et d’incompréhension mutuelle. A cette période difficile de l’adolescence les générations précédentes sont considérées comme incompétentes, d’un autre monde, ce qui rend problématique les relations. Suit la période de maturité, d’autonomie, de performance. C’est aussi le temps de la production. Cette période se termine par la crise du milieu de vie (55-60 ans). Pour les femmes c’est la ménopause qui marque brutalement la fin de la période d’enfantement possible. Pour les hommes cette crise est plus diffuse et peut être le temps « de l’illusion d’une nouvelle jeunesse…ce qui se termine souvent par un échec prévisible». Cette crise inaugure « l’avance en âge. Période où on envisage sa finitude, ses limites et sa propre mort. Ce doit être une période d’humilité ».

La qualité de vie de cette dernière partie de vie est très dépendante de la manière dont ont été vécues les périodes précédentes. « Si la personne s’est définie uniquement par son métier, sa position sociale, ses qualités de compétiteur, évidemment la période de fin d’activité professionnelle et de baisse des capacités va être vécue comme un effondrement ». Éviteront cette période dépressive, les personnes « ayant été importantes, pour eux-mêmes, dans les yeux de leurs parents :- tu es un beau bébé-,- je suis content d’avoir un enfant comme toi-… Puis dans les yeux de l’entourage- tu es la femme que j’espérais-,  -tu es l’homme de ma vie-… ». De plus « nous héritons des problèmes de 3 générations au dessus : les non dits, les conflits, les drames…des choses indicibles et inconscientes mais essentielles ». Cet héritage psychique peut resurgir dans cette période de vulnérabilité et entraîner un état dépressif ou anxieux.

Cette crise (quand elle existe), ce « moment de dessaisissement » surmonté on peut appréhender « ce temps retrouvé » d’une manière sereine. « La vie vaut bien d’être vécue ; quel bonheur de vivre jusqu’à ce jour ! ». L’important est d’être en relation, en échange avec les autres, dans leur diversité.

 « La dignité est intrinsèque à l’homme. Tous les humains. Ce qui existe ce sont des conditions indignes, mais la dignité de tout humain n’est pas contestable »

Résolus ces problèmes de posture ou d’image de soi (« maintenant que je peux me défaire de la tyrannie de mes postures, de mes contraintes, je peux faire la part de ce que je ne pourrai pas faire ») on peut jouir des joies de la vieillesse. On peut se poser pour contempler sa vie, lui donner du sens, « de ressusciter à nous-mêmes », de se réconcilier avec l’entourage. Parenthèse : il est important, pour les époux par exemple, à tout âge, de se réconcilier, se pardonner, quotidiennement, ce qui constitue « une aide à vivre d’une façon plus sereine et heureuse ». Joies de transmettre (ce qui nécessite d’être dans une relation confiante avec les générations suivantes). Pour les grands parents cette transmission s’accompagne de l’importante fonction d’apaisement qui lui est propre.

« Chacun a un rôle, l’adolescent comme la personne âgée ». D’une manière assurée la personne âgée peut garder une bonne qualité de vie et une bonne image de soi. Chacun, à sa place, est une part d’humanité : « Personne ne peut faire comme si on n’avait pas existé. J’ai du prix à mes yeux et au regard des autres (et de Dieu pour les chrétiens) ». Socialement la place des personnes âgées est essentielle, en particulier pour les liens sociaux : beaucoup de responsables d’associations ou de clubs, d’élus locaux, sont des retraités au service de la population.

Les joies de vieillir sont aussi possibles par ce dessaisissement, « l’esprit n’est plus encombré ; il y a plus de place pour les désirs, les envies, les rêves, l’humour… ». Le temps retrouvé est disponible pour les activités, rêves, relations humaines, qui ne pouvaient être réalisés dans la période d’activité professionnelle. La personne trouve à s’épanouir personnellement et socialement.


On peut voir des personnes, dans les EHPAD, dans des postures ou conditions indignes. C’est une réalité ?

La personne est toujours, intrinsèquement, digne parce qu’elle est une personne. Il peut exister des conditions indignes, mais de plus en plus rares dans les EHPAD. Lorsqu’on parle de ces situations il faut considérer que, en EHPAD, ce sont les personnes âgées malades qui sont admises, et que certaines attitudes, certains états (torpeur, agitation, dénudement…) ne sont pas la conséquence de traitement inapproprié ou de maltraitance, mais des symptômes de la maladie ; ces symptômes sont à interpréter et, par exemple, un état de somnolence apparent peut être un repli sur soi même « pour penser ».

Contrairement aux clichés habituels, les personnes âgées de plus de 75 ans vivent à 91% à domicile. Seules 9%, malades, vivent en EHPAD.

D’énormes progrès ont été réalisés mais beaucoup restent à faire. Par exemple pourquoi les maladies du grand âge nécessitant une admission en EHPAD ne sont pas prises en charge financièrement comme les autres affections cardiaques, tumorales ou autre ? pourquoi, en EHPAD, les prises en charge des aides soignantes ne sont pas remboursées comme en hôpital général ? (étant entendu que les résidents sont en EHPAD non parce qu’ils sont âgés mais parce qu’ils sont malades). Il s’agit de choix politique à assumer. G. DEMOURES milite pour obtenir une astreinte infirmière obligatoire toutes les nuits : cela éviterait de nombreuses hospitalisations inutiles, néfastes et onéreuses.


Vous n’avez pas parlé de la retraite comme marqueur de rupture, d’entrée dans la vieillesse ?

« La retraite peut effectivement être une période de crise, surtout si vous n’avez pas préparé l’après carrière. Si vous ne vous définissez que comme votre métier, votre fonction. Alors là ce peut être dur ». La retraite s’accompagne aussi parfois d’une baisse de revenus. « Qu’est ce que je peux transmettre » doit être toujours renouvelé. La retraite peut être le temps de réaliser des activités désirées depuis longtemps mais impossibles à envisager pendant sa vie professionnelle (bricolage, voyages, rencontres…)


Qu’en est il quand la retraite n’est pas choisie, mais imposée, quand vous êtes dégagé, à 55 ans par exemple, qu’on vous fait comprendre que vous n’êtes plus valable ?

C’est effectivement une situation qui peut être dramatique. Surtout qu’elle s’accompagne du chômage de masse des jeunes générations. Cela pose, outre les drames humains, des problèmes sociaux et économiques évidents.


Les enfants peuvent-ils être ruinés par le séjour en EHPAD de leur parent ?

Non, en aucun cas. Si nécessaire les biens des parents, y compris immobiliers, peuvent être saisis en remboursement de l’allocation du fonds de solidarité au décès du résident par le Département. Si ces biens sont insuffisants, c’est le Département qui paye le solde, pas les enfants.


Y a-t-il des espoirs de guérison de la maladie d’Alzheimer ?

« Je pense que nous serons tous morts que le traitement ne sera pas encore trouvé. Ce n’est pas une raison pour renoncer. La maladie d’Alzheimer n’est actuellement pas plus guérissable que le diabète par exemple ». Mais, contrairement à des prévisions très pessimistes, « bonne nouvelle les maladies type Alzheimer seront moins fréquentes. Grâce à l’hygiène de vie, aux traitements pour l’hypertension, le cholestérol…et aussi aux dépistages de plus en plus précoces qui permettent de maintenir le patient au stade de troubles cognitifs légers »


 Le Dr Geneviève DEMOURES est remerciée pour son exposé, ses réponses aux questions. La vieillesse pose des problèmes éthiques (privés et publics) et sociaux très importants. Il est souligné les joies que l’on peut retirer des échanges, de l’écoute et de l’aide à tous et aux personnes âgées en particulier.


 

La jeunesse n’est pas une période de la vie, elle est un état d’esprit, un effet de la volonté, une qualité de l’imagination, une intensité émotive, une victoire du courage sur la timidité, du goût de l’aventure sur l’amour du confort.

On ne devient pas vieux pour avoir vécu un certain nombre d’années, on devient vieux parce que on a déserté son idéal. Les années rident la peau, renoncer à son idéal ride l’âme. Les préoccupations, les doutes, les craintes et les désespoirs sont les ennemis qui, lentement, nous font pencher vers la terre et devenir poussière avant la mort.

Jeune est celui qui s’étonne et s’émerveille. Il demande comme l’enfant insatiable : et après ? il défie les événements et trouve de la joie au jeu de la vie.

Vous êtes aussi jeune que votre Foi. Aussi vieux que votre doute. Aussi jeune que votre confiance en vous-même. Aussi jeune que votre espoir. Aussi vieux que votre abattement.

Vous resterez jeune tant que vous resterez réceptifs. Réceptif à ce qui est beau, bon et grand. Réceptif aux messages de la nature, de l’homme et de l’infini.

Si un jour, votre cœur allait être mordu par le pessimisme et rongé par le cynisme, puisse Dieu avoir pitié de votre âme de vieillard.

Général Mac Arthur (1945)

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Réunion à BERSAC commune de Le Lardin St Lazare sur divers sujets de société