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04 Nov

REPENTANCE Récit de Mr Joseph ESTOUP

Publié par ARES  - Catégories :  #Eté 2022 musée industrie

REPENTANCE Le vendredi 5 août j’avais accepté de faire part de mes souvenirs lors de la dernière des trois réunions de l’ARES consacrées à l’histoire de l’industrie préhistorique et historique dans notre localité. Plus précisément je devais mettre en évidence la résilience manifestée en 1960 par l’entreprise des Papeteries de Condat dont l’usine fut submergée par une crue « millénaire » de la Vézère le 6 octobre de cette année-là. Confiant en ma mémoire je n’avais rien préparé et j’ai importuné l’auditoire par des vagabondages entre anecdotes diverses et commentaires improvisés. Moyennant quoi j’ai sans doute pris la parole trop longtemps pour un discours confus ou en tout cas désordonné. A marier avec tout ce que j’ai pu dire d’autre, je propose ici un canevas ou résumé de ce que j’aurais dû dire ce jour-là pour parler de résilience dans l’activité déjà plus que séculaire de notre principale industrie locale. ______ Origine de l’industrie du papier au Lardin ou un bel exemple de résilience pour une entreprise. (la résilience est un mot devenu à la mode emprunté à la science des matériaux pour désormais parler de la résistance aux chocs en tous domaines.) 1907. La société lyonnaise Gillet & Fils implante un atelier d’extraction de tannin sur un terrain situé entre la Vézère et la voie ferrée et près du puits de mine de la houillère du Lardin . En 1918 la société prend le nom de Produits Gillet (PROGIL) (L’atelier et l’usine qui lui succéda ont toujours porté le nom de Condat en raison de la proximité du site industriel avec la gare de Condat-Beauregard (à l’époque de l’implantation). L’emprise de l’usine sur la commune de Condat ne viendra qu’après l’agrandissement de 1960- 61.) Cette société a installé de tels ateliers sur plusieurs zones riches en châtaigners dans la périphérie du Massif Central (à Labruguière dans le Tarn, au Vigan dans le Gard, à St Sauveur dans l’Ardèche). (La société concurrente Tannins REY possédait un site à Couze près de Lalinde et un autre à Saillat dans la région de Limoges) Le tannin est important dans l’industrie du cuir pour le tannage des peaux mais Gillet & Fils chimiste spécialisé dans la teinture des soieries lyonnaises l’utilise aussi à l’époque comme produit fixant de ses teintures. La Grande Guerre de 14-18 sera forte consommatrice de cuir pour tous les harnachements militaires et favorisera la production de cuir davantage que celle des soieries... Pour l’extraction du tannin, le châtaignier est taillé en copeaux et fait l’objet d’une décoction dont le jus doit être concentré plus ou moins. Au Lardin, l’extrait de tannin sera vendu à l’état liquide en tonneaux fabriqués sur place ou en bombonnes de grande taille en verre. A Labruguière il sera concentré et séché en poudre.

Ce procédé de fabrication donne en résidu des copeaux expurgés. Longtemps ils seront utilisés comme combustible pour la production de la vapeur nécessaire à la décoction jusqu’à ce que vienne l’idée de récupérer les fibres de cellulose au lieu de les brûler. Un traitement à la soude permet de libérer les fibres, et un blanchiment au chlore (produit développé par Progil pour l’industrie de guerre dans son usine de Pont de Claix en Isère) permet d’obtenir un mélange de fibres et d’eau qui, une fois égoutté et séché, constitue la pâte à papier. Cette matière première est vendue en feuilles épaisses conditionnées en balles pour le transport. La fin de la Grande Guerre rétracta fortement le marché du cuir et par conséquence aussi celui du tannin. Pour résister à ce choc, (Résilience) c’est en 1923 que Progil ajouta à l’extraction du tannin cette production de pâte. Ajoutons que la société était du groupe industriel des Usines du Rhône (ancêtre de Rhône-Poulenc) et de sa filiale Rhodiacéta, qui était le principal producteur européen d’acétate de cellulose, était très utilisé aussi durant la guerre pour des vernis enduisant la toile d’avions et matière première de la viscose qui, produite en fils continus, constituera la soie artificielle (rayonne et autres fibres textiles). Soucieuse d’intégration verticale, la société comptait s’approvisionner en cellulose dans ses propres usines. Il s’avéra que la fibre de châtaigner (fibre courte) n’était pas adaptée à la production de viscose et il fallut se tourner (Résilience) vers les producteurs de papiers pour écouler cette pâte. A Condat il y eut deux machines pour conditionner la pâte produite : les presses-pâte N°I et N°II. La pâte de fibres courtes produite à Condat ne pouvait constituer qu’un appoint pour les clients papetiers qui avaient besoin de fibres longues provenant de bois résineux et les débouchés commerciaux pour la pâte de Condat étaient limités. Pour cette raison, Progil décida (Résilience) de devenir consommateur de sa propre pâte et d’être un fabricant de papier en s’approvisionnant à l’extérieur en pâte de fibres longues indispensables pour constituer la trame générale de la feuille de papier, les interstices étant comblés par les fibres courtes et des poudres minérales (charges) telles que du kaolin ou du talc. . Pour affronter cette évolution, la société fit appel à une famille ardéchoise célèbre en France depuis qu’une montgolfière s’éleva dans les airs en 1783 le 4 juin à Annonay, le 19 septembre à Versailles devant Louis XVI habitée par un coq, un mouton et un canard et le 19 octobre au bourg St Antoine à Paris habitée par Pilate de Rozier et Giraud de Valette. Notons que dans la décennie de 1870 une Marie Joséphine Gillet épousa un Henri de Montgolfier. Je viens de découvrir cette relation entre les deux familles.

A partir de 1929, les papetiers de Montgolfier dirigèrent à Condat les travaux d’installation de la machine III du calibre de production de 30.000 tonnes/an qui démarra en 1931. Le papier de Condat, produit principalement par cette machine, se distinguait par son « bouffant » qui en faisait un papier prisé pour l’édition de livres de roman et particulièrement pour le tirage annuel du Prix Goncourt. Un autre papier spécial diversement colorié et vendu sous le nom de « papier culte » destiné à l’Indochine intriguait le chef de production lui-même quant à son utilisation qu’il n’apprit qu’en 1962 bien longtemps après la disparition de ce marché spécial : l’enrobage en papier multi-couleurs de petits cubes construits en pliant une languette de bambou en vue d’en faire une offrande sur l’autel familial des ancêtres en substitut des aliments réels trop chers pour les familles pauvres... Supra-résilience à Condat : Le 6 octobre 1960 la Vézère sort de son lit pour jouir de sa crue « millénaire ». La hauteur de crue est d’environ 6 mètres dans toute la vallée et l’usine en rive

est submergée. L’occasion est inespérée pour mettre fin à l’activité d’une papeterie dont la production n’est plus concurrentielle avec une machine trop petite sur un site dont la position géographique souffre de son éloignement pour l’approvisionnement en matières premières et pour les livraisons du produit fini à des imprimeries installées dans les régions industrielles. L’historique de la société ne fait pas état des discussions qui ont eu lieu certainement en vue de décider de cette issue qui semble la plus raisonnable. La saga de l’entreprise retient seulement l’intervention de Gérard Bizot membre de la famille fondatrice des Gillet de Lyon. Il n’appartient pas encore au cercle des dirigeants du groupe Progil mais, fils du président du groupe Ennemond Bizot, il a fait à Condat son apprentissage de futurs industriels. Fort de l’appui de Maurice Brulfer Directeur général de Progil et de sa grand-mère maternelle Gillet, actionnaire importante du groupe financier familial, il obtient du conseil d’administration la décision d’assurer une survie à l’usine inondée. Mais elle ne pourra pas rester en l’état et devra faire l’objet d’investissement lui assurant une place significative parmi les fabricants français de papier d’impression et écriture. Il est créé une société commerciale des Papeteries de Condat administrée par Progil et dont Gérard Bizot sera directeur général. L’usine de Condat reçoit le renfort des services de maintenance de la plupart des usines du groupe Progil et, durant trois semaines, l’atelier de production de cellulose et la machine III, comme ses annexes de transformation du papier, font l’objet de nettoyages, démontages et remontages divers (800 moteurs électriques remis en état !) et l’usine redémarre à la fin du mois d’octobre. Vient alors une série de décisions préparatoires au bond en avant envisagé : acquisition en vue de leur destruction de l’hôtel-restaurant Coustillas sur la place de la gare, de sa voisine la minoterie Hamelin en bordure du ruisseau du Cern qui l’anime, de l’assiette de l’ancienne voie ferrée de Condat à Sarlat jusqu’au pied de la colline de la Rocheplane, des terres agricoles bordant le Cern de part et d’autre jusqu’à son confluent avec la Vézère et limitées à la route 704 d’une part et à la limite entre communes du Lardin et de Condat jusqu’à la Vézère d’autre part.

Gérard Bizot choisit de développer Condat sur le marché des papiers d’impression et écriture couchés en conservant la fabrication du papier traditionnel qui à assis sa réputation. Il passe commande aux Etats-Unis d’un ensemble machine et coucheuse au calibre de 200.000 tonnes/an. Ce sera la ligne IV de production à la laize de 4,20 mètres comprenant la machine à papier, la coucheuse double face et une super-calandre ainsi que les bobineuse et coupeuse nécessaires pour la transformation de ce papier destiné à être vendu en bobines ou au format c’est-à-dire découpé en feuilles. La dénomination commerciale de ce papier couché sera « Périgord » mat ou brillant. Un tel développement requiert aussi le recrutement du personnel nécessaire. L’usine de Condat est passée de 425 personnes en 1960 à 1.000 à partir de 1968, sachant que la marche en continu a été organisée à partir de cette date par factions de 8 heures à 4 équipes au lieu de 3 afin d’assurer la continuité sans arrêt annuel d’été pour les congés payés. Pour l’encadrement, Gérard Bizot a tenu pour des raisons personnelles à faire un pari sur le recrutement de personnes techniquement incompétentes mais susceptibles de résilience devant les difficultés prévisibles pour un changement d’échelle aussi important. Le 6 octobre 1961 il a organisé au restaurant Coustillas encore en activité un banquet d’anniversaire de la catastrophe naturelle de 1960 et il y a convié un groupe d’officiers parachutistes condamnés avec sursis par une juridiction d’exception pour avoir manifesté au mois d’avril précédent « un savoir-faire

expéditif » incontestable aux dires du président de la République du moment. Après les avoir retenus à banqueter il en a retenu 6 au service de la Société des Papeteries de Condat. Je n’avais pas été informé de la tenue de ce banquet et je n’ai fait partie de ce recrutement que le 2 février 1962. Gérard Bizot avait pris la précaution de recruter aussi quelques jeunes ingénieurs diplômés mais on notera que le couchage du papier à Condat a été apprivoisé avec l’appui du laboratoire Progil de Clamecy par l’ex-lieutenant Labriffe qui, par la suite, sera désigné par Gérard Bizot pour remettre en service l’un des deux anciens presses-pâte des années 20 en l’équipant d’une caisse de tête de laize adéquate venue à grand frais par avion des Etats-Unis : avec l’appui du laboratoire de la Rhodiaceta de Lyon il fabriquera à Condat du tissu-non-tissé par voie humide mais Gérard Bizot ne donnera pas suite industrielle à cette expérience pilote dont toute la contrée a pu profiter et Monsieur Labriffe nous sera enlevé par la concurrence sur ce marché particulier... Illustrant les capacités d’accueil de main-d’œuvre de Condat à cette époque on notera que la Société à pu embaucher en 1963 25 harkis dont le sous-préfet nouvellement affecté à Sarlat se souciait après les avoir exfiltrés d’Algérie lors de l’indépendance de ce pays. L’édification du bâtiment devant abriter la machine IV s’est faite sur des plans de l’architecte Varieras de Tulle. Elle a commencé par l’excavation sur les terrains acquis récemment d’un rectangle d’environ 100 mètres sur 50 et d’une profondeur moyenne de 5 mètres nécessaires pour atteindre la couche géologique adéquate. Sur cette couche furent coulées une centaine de semelles en béton armé supportant autant de piliers de section moindre mais de grande hauteur destinés à la construction des murs et, surtout, à supporter les machines imposantes commandées aux Etats-Unis dans le Wisconsin chez le constructeur Beloït. L’énorme excavation fut alors comblée de castine compactée provenant de castinières proches de Condat et les piliers furent prolongés à due hauteur au dessus du niveau du sol naturel. Les démolitions diverses, les aménagements de terrain telle la canalisation du Cern depuis la route 704 jusqu’à son confluent avec la Vézère, la construction du bâtiment et l’installation des machines nécessitèrent environ deux années de travaux

Une résilience impossible sans l’appartenance à un groupe industriel. La Machine IV a démarré le jour de Pâques 24 avril 1963 et Condat eut à se repentir de cet irrespect du repos dominical. Maintes signatures furent apposées sur le premier échantillon de papier qui parvint à grand peine à la sortie de la très longue nouvelle machine. Il y eut des libations et des félicitations générales. Les essais de production reprirent les jours suivants, les semaines suivantes et les mois et années suivants. La profession du papier dit n’avoir jamais vu que le directeur d’usine survive à un démarrage de machine à papier et Condat respecta cette règle. C’est la raison de ma nomination en remplacement d’un homme beaucoup plus compétent que moi. Mais il fallait faire surtout preuve de réalisme et de grande patience, ce qui était à ma portée. En effet, la maîtrise du nouvel outil de production exigea plus d’un an d’efforts de la part des hommes compétents de l’usine et d’un ingénieur détache depuis le démarrage par le constructeur américain Beloït. Il fallut apprivoiser progressivement les zones qui se succèdent sur une machine à papier et son environnement. Le raffinage des fibres et le mélange de la pâte liquide ne posèrent pas des problèmes longs à résoudre. Le réglage de la caisse de tête et de la table de formation de la feuille furent plus laborieux. La progression de la feuille humide se forme alors dans la section des presses, chargées de faire absorber, par des feutres en bande continue, l’eau résiduelle qu’elle renferme et ensuite

d’expurger cette eau des feutres pour les rendre aptes à absorber de nouveau exigea de longs tâtonnements pour trouver le bombé idéal des presses dont la rectification était confiée à une entreprise de Brive. La progression de la feuille dans la sécherie fut plus réconfortante car procurant moins de ruptures de la feuille. Mais l’enroulage final à la sortie exigea des mois pour obtenir des bobines de papier convenables. Il en résulta la nécessité de renoncer parfois à l’enroulage de la bobine et de dévier la feuille vers les soubassements de la machine. Cette sorte de grand hall où jaillissent du sol les nombreux piliers supportant l’étage des machines devint un atelier imprévu faisant appel à des presses agricoles louées pour la circonstance et destinées à évacuer sous forme de balles de papier au format des balles agricoles notre production impropre à la vente normale. Les Papeteries de Condat devinrent réputées comme fournisseur à vil prix d’une matière première précieuse : du papier blanc vierge et recyclable par les papetiers concurrents. Il est certain que l’entreprise n’a pu survivre que du fait de son appartenance à un groupe industriel plus important qu’elle dont les comptes consolidés absorbaient notre perte au détriment d’une seule victime : le fisc qui ne percevait pas les impôts que la maison-mère aurait acquittés n’eussent été les pertes de cette filiale périgourdine essayant de fabriquer du papier apte aux exigences de l’impression.

Pour donner une idée de la durée qui fut nécessaire pour devenir un producteur de papier fiable, je citerai qu’en mai 1968 les Papeteries de Condat avaient enfin emporté un important marché en Allemagne et qu’elles durent faire preuve d’une résilience très particulière qui mérite d’être connue. La France entière était en grève générale. Les relations de l’usine avec le siège parisien et le service commercial étaient interrompus sauf si une demoiselle des PTT en service au central téléphonique de Terrasson acceptait d’établir une liaison en enfonçant un « jack » dans le panneau de connexion. La livraison du papier en Allemagne n’a tenu qu’à la bonne volonté et à l’habileté des chauffeurs de l’entreprise Hamelin, notre transporteur dédié à ce marché. Ils savaient trouver l’endroit où la frontière avec l’Allemagne restait ouverte. Les syndicalistes cheminots de Brive harcelaient leurs camarades du Lardin pour qu’ils se mettent au diapason de la grève générale mais ceux-ci connaissaient les difficultés accumulées depuis plus de trois ans et l’espoir né de ce marché allemand. Ils ont contourné cette difficulté conjoncturelle en organisant un jour d’arrêt de travail négocié avec une direction complaisante : tous les services ont pu faire grève dans cette journée mais les deux machines III et IV ont délivré des bobines-mères...La production du mois de mai 68 a battu les records précédents de tonnage mensuel. Une résilience particulière due à l’évolution des techniques. Il n’est pas inutile de rappeler sous quelle forme était vendu le papier. S’il était destiné à des imprimeurs équipés de machines rotatives, il était vendu en bobines. Mais s’il était destiné à être imprimé sous presse comme du temps de Gutemberg il fallait le débiter en feuilles au format précisé par le client. A partir de bobines de largeur (laize) convenue, des machines coupeuses produisaient des feuilles de longueur prescrite également qui s’empilaient sur des palettes

Plus de cent ouvrières (trieuses) étaient chargées sur de grandes tables de triage de vérifier des yeux l’absence de défauts visibles pour chaque feuille sur ses deux faces. Retournées d’un seul geste de la main qui en maîtrisait un coin sans blesser le papier, ces feuilles s’empilait de nouveau contre des équerres de « taquage » soit pour être vendues en palettes, soit en paquets. Dans ce second cas, le papier passait par les mains de « compteuses » ouvrières chargées de confectionner des lots de 25 feuilles qui tirent leur nom de « main de papier » de la façon dont ils sont composés : une main de l’ouvrière décalant en éventail sur la tranche une certaine épaisseur de feuilles, l’autre main utilisait ses cinq doigts pour progresser sur l’éventail en comptant chaque fois 5 feuilles. Vingt mains de papier constituent une rame de papier, unité utilisée pour la vente du papier en feuilles. Le papier était alors confié à des « empaqueteurs » qui entouraient de papier d’emballage soit des rames soir des demi-rames selon les dimensions et poids des mains à emballer. Les paquets empilés sur palettes passaient enfin entre les mains du « cercleur de palettes » qui tendait sur l’ensemble des feuillards de cerclage. On devine que la suite de ces séquences induisait un coût de main d’œuvre important pour un travail manuel pénible à maints points de vue.

Dans un premier temps, l’intervention d’un cabinet-conseil vint bouleverser profondément cette organisation du travail en introduisant le « triage statistique » : l’examen d’un simple échantillon ou pourcentage de papier pour une palette suffit, statistiquement, à apprécier l’ensemble de la palette. Je veux dire qu’avant l’intervention fort onéreuse du prestataire extérieur, cette application des lois de probabilité n’avait pas échappé à la sagacité de très rares ouvrières trieuses connues pour leur performances salariales. En effet, le triage-comptage était rémunéré à la tâche, sans échapper aux différences ou injustices propres à ce système de rémunération. Je pense que telle ou telle championne du bulletin de paye souveraine sur la salle de triage avait découvert depuis longtemps le triage statistique... La décision de généraliser cette pratique, ajoutée à l’apparition de dispositifs divers d’examen optique du papier et du comptage des feuilles mena à la suppression de la majorité des emplois féminins aux Papeteries de Condat. La résilience intervint dans la manière d’affronter ce grave problème d’emplois. La reconversion à de nouvelles tâches conjuguée à la temporisation de cette réduction d’effectifs permit d’éviter un traumatisme social. Il y eut sans doute des ruptures de contrat consenties et traitées comme licenciement, mais je me souviens surtout des trieuses qui devinrent empaqueteuses, de telle qui devint conductrice de chariot élévateur, telle autre laborantine à la surveillance continue de la fabrication, de nombreuses et provisoires femmes de ménage, de secrétaires débutantes et j’ai oublié, en réalité, le détail de ce qui fut inventé. Je sais que les Papeteries de Condat n’ont pas à rougir des solutions apportées à ce problème.

Beaucoup plus tard les Papeteries de Condat connaîtront des chocs à affronter. Mais un demi-siècle après les caprices de la Vézère et la suite dont je viens de faire le compte-rendu, constatons que cette société fait preuve d’une grande résilience : après la mise sous cocon de l’outil principal de production durant plusieurs années, elle vient de lui trouver un marché nouveau prometteur et elle a de nouveaux projets d’efficacité industrielle. Ne m’en veuillez pas si de chez moi, à Ladouch, j’ai constaté non sans attendrissement que la machine IV n’a jamais cessé depuis 1963, de nous offrir son panache de vapeur au-dessus du toit bombé de son bâtiment en béton...

 

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Réunion à BERSAC commune de Le Lardin St Lazare sur divers sujets de société